Violences sexuelles dans l’Eglise : quatre ans après la publication du rapport de la Ciase, un paysage contrasté (Le Monde / 4 oct. 2025)
- Olivier Savignac, Président
- il y a 2 jours
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Le journal Le Monde a donné la parole à l'association Parler et Revivre qui avait collaboré avec les experts de la CIASE entre 2018 et 2021. 2025 marque un tournant avec le changement de gouvernance à la tête de la CEF (conférence des évêques de France) et de la CORREF (conférence des religieux de France). Entre avancées notoires et désillusions, la journaliste Sarah Bellouezzane décrypte et interroge plusieurs acteurs engagés depuis des années sur le sujet.
Lien vers l'article : https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/10/05/violences-sexuelles-dans-l-eglise-quatre-ans-apres-la-publication-du-rapport-de-la-ciase-un-paysage-contraste_6644509_3224.html
Résumé de l'article :
Ce que le rapport a changé
La reconnaissance du caractère massif et systémique des violences a constitué un séisme: la Ciase a estimé à 330 000 le nombre de mineurs concernés sur 70 ans, obligeant l’institution à se confronter à la « crise des abus » dans la durée.
La Conférence des évêques de France (CEF) a mis en place des cellules d’écoute, renforcé l’encadrement des confessions, développé l’accompagnement des diocèses et des prêtres, et amélioré la coopération avec la justice civile.
Des dispositifs de réparation ont été institués: l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation pour les victimes de prêtres diocésains, et la Commission Reconnaissance et Réparation pour les congrégations, ainsi qu’un tribunal pénal canonique national pour centraliser le jugement des affaires.
Ce qui inquiète encore
L’été 2025 a vu une série de décisions avortées: nomination à Toulouse d’un prêtre condamné pour viol comme chancelier, choix à Strasbourg d’un vicaire général mis en cause, promotion à Angers d’un prêtre condamné pour images pédopornographiques; autant de reculs tardifs qui interrogent le discernement épiscopal.
Des critiques ont visé la gestion de cas dans le diocèse de Marseille, donnant le sentiment d’une « litanie sans fin » pour de nombreux fidèles et victimes, qui redoutent des décisions similaires ailleurs et demandent des garanties de transparence.
Des progrès, mais inégaux
Des prêtres, responsables pastoraux et bénévoles se sont formés massivement, et dans de nombreux diocèses des équipes se sont structurées, ce que reconnaissent des lanceurs d’alerte et accompagnants de victimes proches du terrain.
Malgré ces avancées, des « angles morts » persistent: la prise en charge des victimes adultes, les violences d’emprise, les dérives sectaires, les captations d’héritages et autres abus non strictement sexuels restent insuffisamment traités, avec des réponses perçues comme inadéquates (ex. médiations imposées).
Le cléricalisme et le manque de contre-pouvoirs
La cause systémique renvoie à un cléricalisme dénoncé par le pape François: une culture qui place le prêtre au-dessus des fidèles, affaiblissant la capacité de contrôle et la parole des victimes.
Dans le droit canonique, l’évêque dispose de trop peu de contre-pouvoirs formels; la qualité des décisions dépend alors fortement des personnes, ce qui accentue les disparités et fragilise la cohérence nationale.
Le rôle des fidèles et des victimes
L’expression publique des catholiques et des collectifs de victimes agit désormais comme un contre-pouvoir de fait, contraignant les évêques à revenir sur des décisions contestées et à clarifier leurs critères de nomination et de gouvernance.
Les responsables engagés sur ces questions reconnaissent que, si « beaucoup a été fait », l’intégration des points d’appui essentiels n’est pas homogène et que la page ne se tournera pas de sitôt au regard de l’ampleur des chantiers encore ouverts.
Enjeux prioritaires pour la suite
Clarifier et durcir les critères de nomination et de réaffectation pour éviter toute promotion de personnes condamnées ou mises en cause à des postes d’autorité, avec des procédures nationales de contrôle et d’alerte.
Renforcer la prise en charge des victimes adultes et des violences d’emprise, en bannissant les dispositifs de médiation inappropriés et en professionnalisant l’écoute, l’orientation et la réparation.
Instituer de réels contre-pouvoirs, incluant la participation de laïcs formés et indépendants, pour sécuriser les décisions sensibles et garantir la transparence en cas d’alerte.

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